« Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. » Vases Communicants
Course du temps, le temps en fuite. On le sait, on n’y peut rien ! mais tout de même, il exagère parfois un peu… tout va de travers.
Il a commencé sa course insensiblement, à un moment où la respiration était claire, où les rêves de la nuit ouvraient fermaient des parenthèses suspendues dans l’attente, je m’en souviens très bien, il y a quelques années de cela ; les étés, alors, paraissaient infinis, et presque tout paraissait ainsi, sans limite, sans frontière, à l’image d’une seule journée d’été, qui suffisait pour rendre l’écho lointain de l’infini, les êtres eux-mêmes, à cette époque très douce, étaient presque éternels, presque, on le savait, mais l’éternité était proche, presque atteinte, à portée de main, de sorte que les amitiés étaient palpitantes autour de secrets ronds, et l’insouciance, féroce. On les ramassait comme des cailloux ronds aperçus dans la transparence d’un cours d’eau au nom oublié. La main avide et minuscule, de toute son impatience, les tournait et les faisait aller précautionneusement dans le cours du monde.
On se souvient encore qu’au début, le temps semblait immobile, au point que l’impatience du lendemain empêchait parfois de trouver le sommeil, quand on trouvait refuge dans le creux animal de l’oreiller, au point que l’impatience animait les joues, les colorait, et que les yeux subrepticement tentaient de regarder au-delà de la ligne du soir, dans la clarté du lendemain, encore incertaine, là où le fil tendu à travers tout l’été continuait dans un réseau serré et transparent, d’attraper la grâce des moments. Une goutte d’eau sur le fin entrelacs d’une toile d’araignée que la lumière rasante du matin révèle soudain.
Cela n’est pas si loin qu’on ne s’en souvienne pas, que le souvenir n’en revienne pas, qu’il n’empêche de nouveau de dormir entre les draps froissés des mouvements de l’insomnie. Et pourtant la grâce en est perdue, jamais ne se laissera ressaisir ; ce n’est pas même cet espoir qui torture ; ce n’est pas même cette attente qui anime : la grâce en est éteinte. Comme une à une toutes les grâces de ce monde se sont éteintes, les lampions qui ponctuaient toute la fête se sont laissés éteindre, on souffle les bougies, une à une, on étouffe dans la nuit les lumières qui nous guidaient comme des lampions, et voilà que l’ombre gagne, et qu’il n’y a plus rien à faire.
Peu à peu, se sont les souvenirs qui disparaissent. On tend la main dans l’ombre, et les ombres s’écartent. Elles s’éloignent et se referment, liquidité de leurs mouvements, de leur recul, ne se laissent pas saisir et pourtant enveloppent toute chose, de sorte qu’il est impossible de les retrouver, impossible de se fondre en elles, il n’y a qu’à supporter la tentation de leur présence, et s’abstenir, au bord du monde, de basculer dans l’ailleurs incertain.
Texte de : Isabelle Pariente-Butterlin
Isabelle m’a fait l’immense plaisir d’accueillir sur son site ma participation à ces Vases Communicants de février 2011.
Liste des autres participants aux Vases Communicants de février 2011 :
Laurent Margantin et Daniel Bourrion Christine Jeanney et Anita Navarrete-Berbel Maryse Hache et Piero Cohen-Hadria Samuel Dixneuf et Michel Brosseau Chez Jeannne et Leroy K. May Estelle Ogier et Joachim Séné François Bon et Christophe Grossi Cécile Portier et Anthony Poiraudeau Amande Roussin et Benoit Vincent Marianne Jaeglé et Franck Queyraud Juliette Mézenc et Jean Prod’hom Candice Nguyen et Pierre Ménard Christophe Sanchez et Xavier Fisselier Nolwenn Euzen et Landry Jutier Leila Zhour et Dominique Autrou Claude Favre et Jean-Marc Undriener Clara Lamireau et Michel Volkovitch Bertrand Redonnet et Philip Nauher Joye et Brigitte Célérier
Intrusion d’écriture sous ce texte véritablement très bien travaillé.
Force d’un descriptif, surtout lorsqu’il s’agit de cette notion difficile à …décrire : le Temps et les traces qu’il laisse, en images, en sensations, jusqu’à cet « ailleurs incertain ».
Je navigue souvent sur Vos pages, aujourd’hui je découvre cette iniative, ces « mariages » d’écritures, ces « Vases communicants ».
Rien de tel que l’échange. Excellent !
Jm
Peut-être aurons-nous la chance de vous voir participer aux Vases Communicants ?
Merci encore Jean-Michel
Cela me tente à vrai dire.
Je ne sais quelle démarche entreprendre et je débarque il y a peu sur la Toile.
Peut-être pourriez-Vous me conseiller, m’aiguiller vers un(e) auteur(e) ou photographe, je ne sais…
En attendant je Vous lis^^
Belle soirée,
Jm
Je me permets de vous envoyer un mail 🙂