Intérieur/extérieur ? Je ne sais pas. C’est indécidable. J’ai essayé d’entrer. Non : en fait, je cherchais un endroit où déposer mes rêves usés et la fatigue qui va avec (et quel vent il y avait ce jour-là, un vent immense et chaud, de cette sorte de vents qui rendent fous, rien de spectaculaire, on ne se méfie pas mais ces après-midis là on en vient à faire, on finit par fautent, enfin, je ne sais pas comment, on en arrive à faire ce qu’on n’aurait pas fait, si ce fichu n’avait pas soufflé de la sorte).
Intérieur/extérieur. Alors tout le monde le sait, tout le monde sait comme le regard parfois est indiscret, c’est comme ça, on n’y peut rien. Parfois, il faut bien reconnaitre qu’il a des circonstances atténuantes, Monsieur le Juge, enfin, votre Honneur, je veux dire, Monsieur le Juge. J’ai jamais pu me souvenir, pourtant, dans les séries que je regarde, ils disent C’est pas pour vous flatter, c’est pas pour me vanter, mais ce satané vent … Et puis ça faisait des jours que je n’avais parlé à personne. Je revenais de loin. Sans en avoir l’air. Il n’est pas nécessaire de se couvrir le visage de cendre, il n’est pas nécessaire de lacérer son Jean ou de se piquer les avant-bras, en descendant vers les mains jusqu’à ne plus avoir de veine disponible pour revenir de loin. Accordez-le moi, tout de même, qu’on peut revenir de loin sans en avoir l’air !
Non je ne me fâche pas. Mais intérieur/extérieur moi, je ne comprenais rien alors je ne sais plus exactement ce que j’ai fait. Comment voulez-vous que ce soit clair encore dans mon esprit ? Les pochoirs n’avaient pas l’air d’avoir été faits par des gamins, ça aussi, c’était un leurre mais je ne me suis pas laissé prendre, on ne me la fait pas à moi. Les gamins, je les connais, ils m’empêchent de dormir par la stridence de leurs cris quand je veux dormir, tous les jours, tout le temps, je sais les reconnaître quand ils passent pas loin. Ce n’est pas parce qu’il y avait un clown que j’allais conclure pour autant que les choses étaient claires. Et puis, par la même fenêtre un clown grimaçant son rictus voulait vous faire croire qu’il était à l’intérieur alors que très clairement la fenêtre donnait sur l’extérieur puisque la rue je déteste cette rue s’y reflétait mais j’étais où moi, alors ? Intérieur extérieur tourbillonnants.
C’est à perdre pieds non ? Pas vous, votre … Monsieur le Juge ?
Si ça ça ne me fait pas des circonstances très atténuantes, c’est à n’y rien comprendre.
Texte : Isabelle Pariente-Butterlin
Photo : Louise Imagine
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La croisée des marelles s’est nourrie d’échanges et de dialogues. Peu à peu l’idée en est née, partage, réponses, Isabelle Pariente-Butterlin à l’écriture, et moi-même derrière l’appareil photo. Échanges à géométries variables, puisque, au gré de l’inspiration, textes ou photos se nourriront l’un l’autre… Quelque chose comme une proximité dans le regard porté sur le monde, une même ligne mélodique dans ce que nous en saisissons rendaient possible cette croisée des marelles. Nous avons eu envie qu’elle ait un espace pour se déployer au fil des rêves.
Une réflexion sur “La croisée des marelles, XXIV”