« Le pas de sable » par @allerarom


Aujourd’hui, j’ai eu la chance de recevoir dans ma boite mail un beau texte d’Allerarom.
Un grand merci à elle. Je n’ai pas pu résister et vous le fait partager ici, en attendant de pouvoir lire ses mots sur son propre blog…

Les photos de Louise.

Louise a fait deux photos d’une petite fille que je ne connais pas, sa petite à elle peut-être. Seules ces deux images me disent quelque chose d’elle, si légère, si concentrée sur son impérieuse  volonté de parcourir le monde, d’en creuser le mystère  pour y saisir une improbable vérité.

Première photo : l’enfant court, un ballon bleu, oui bleu, à la main droite.  Elle le tient à sa base là où l’adulte fait un nœud pour qu’il garde son air de ballon, et non au bout d’un long fil qui l’aurait éloigné d’elle. Elle le touche du bout des doigts, il est là, à elle. Elle le tient ou bien est ce le ballon qui la tient et  l’emporte, soulevant ses pieds dans un presque sautillement ? Elle s’avance, effleurant le sol pavé d’une rue animée mais rien de ces passants, de ces vitrines n’existent pour elle. Son ballon la prolonge, tend son être tout entier vers son désir. Elle est le ballon, son bleu, sa légèreté et son imprévisible liberté. Et le ballon est son envol, sa promesse, sa rêverie et son regard aussi. Le ballon c’est elle !  Son corps s’est tendu avec lui, elle l’a attrapé de son regard, il ne la quittera plus, elle ne le veut pas ! « Et bien, non, il ne te quittera plus, il s’est installé pour toujours  comme un petit mystère dont toi seule perdra la clé. » Quand l’amour viendra prendre sa main de femme, sa main tenant le ballon (ou aussi bien la main que le ballon avait tenue), elle la refermera pour se laisser à nouveau emporter.

(La photo dit aussi avec grâce la vérité que, de petites filles à vieilles femmes nous sautillons toujours un ballon à la main. Ce sautillement qui n’est  jamais perdu, tant que la légèreté du ballon donne son extension à l’être d’une petite fille.)

Deuxième photo que j’appelle « le pas de sable »:

l’enfant sur la plage, fait un pas, c’est son pas que nous voyons. Nous ne voyons que lui. Il est en creux tant son mouvement a façonné dans le  sable son logement, comme un berceau. L’enfant laisse une empreinte, profonde habillée de sa force et de son plaisir. Elle sent de son pied la résistance du sable, le chatouillement des grains qui passent entre les orteils. Mais elle veut autre chose que de  laisser une trace ou une empreinte: s’enfoncer, faire peser du poids de son corps toute son existence. Que le sable s’en souvienne, qu’il consente à être sa densité, sa mobilité et sa douceur. Elle veut autre chose qu’une sensation, elle attend qu’il la surprenne, d’un vacillement peut être ou d’une caresse.

Elle a arrêté son pas là sur ce point de sable, son bras droit légèrement décollé du corps. Mais la fixité de l’image est bafouée par le mouvement de l’enfant et sa volonté affichée dans son pas. Bafouée aussi par les feuilles qui s’envolent du tissu imprimé de sa robe….pour aller, dans une joyeuse escapade, à la rencontre d’un ballon bleu.

Texte : @allerarom

Photos : Louise Imagine

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