Pourquoi éprouve-t-on, pourquoi, à un moment, sans qu’on l’ait prévu, sans qu’on l’ait pressenti, sans même qu’il ait annoncé sa nécessité, sa présence en soi, pourquoi éprouve-t-on, irrépressiblement, non pas le besoin, non, il nous rabattrait sur le monde, nous écraserait, encore une fois, une fois de plus, non pas le besoin, qu’on écarte, la grâce de ce mouvement se fait au-delà de lui, indépendamment de lui, mais le mouvement, l’élan, oui, c’est bien cela, le mouvement du départ, l’élan ?
On est là, aux bords de l’eau, on regarde les vagues, pourquoi ce mouvement se lève-t-il en soi ?, on pourrait rentrer chez soi, on sent le vent, sur la peau, dans les cheveux, on est là, à suivre depuis des heures la parallèle des pas avec le rivage, la parallèle de ses pas avec l’écume de la ligne elle-même ondulée où les vagues viennent marquer la limite des terres et des mers, on pourrait marcher ainsi, un temps infini, en parallèle de la mer, en parallèle de l’écume et de la bordure de la mer, qu’on ne s’éloignerait pas plus …
et vient l’élan irrésistible (auquel on résiste, qu’on ne suit pas, cette fois encore, on ne le suit pas, on lui résiste, on le fait ployer, on le tord, il se lève et on le rabat sur le sol) de partir. Là. Tout de suite. Même à la nage. Même désespéré. Même sans espoir. Partir pour partir. Sans espoir de retour. Surtout pas d’espoir de retour. Aucun espoir de retour. On n’a pas demandé ça, l’espoir de retour. Qui a demandé ça ? Si vous demandez ça, l’espoir, le retour, un conseil : ne partez pas.
Texte : Isabelle Pariente-Butterlin
Photos : Louise Imagine
Mais comment
celui ou celle qui a vu
ce que nous rapporte ce rectangle capturé en lumière
comment a-t-il, a-t-elle
pu résister au désir de se donner aux flots ?
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Le texte dans ces hésitations mime le corps qui s’approche et se ravise
avec lui notre pensée
est prise dans l’estran
et ne sait par où elle s’en échappera
sur, ou sous le littoral ?