Sans titre, partie III


Partie I, ici.

Partie II, par là.

Chaud si chaud se disait-elle, trop chaud, visage empourpré, alors qu’elle reprenait son souffle, cœur battant la chamade, totalement affolée. Elle se sentait prête à s’évanouir tant elle était lasse et épuisée. Qu’on en finisse, se surprit-elle à penser dans un triste soulagement. Courbée en deux, elle tentait de les dénombrer, visages plus ou moins familiers, souhaitait savoir à combien ils avaient du se réunir pour trouver la force de venir l’humilier. Une dizaine de visages menaçants s’alignaient devant elle, certains un peu plus âgés qu’elle.

– Sale estropiée…

– T’as pas peur quand tu regardes ta gueule dans le miroir ? L’un d’eux, un grand costaud, cracha juste devant ses pieds, faisant claquer sa langue avec mépris, se rapprocha, bouche tordue et nez froncé, teint pâle parsemé de tâches de rousseur. Elle le reconnut sans peine, il fréquentait le même collègue qu’elle. Derrière lui piaillaient Valérie et Marielle, apparemment réjouies par la tournure des évènements.

Peu importe les mots se disait-elle, peu importe ce qu’ils racontent, se répétait-elle, ne pas écouter.

Elle se taisait, tête rentrée entre les épaules, yeux perdus noyés plongés dans le gazon vert et gras sous ses pieds, elle, dos courbé, tendue, suspendue entre fuite et réalité, une main crispée sur son bras mutilé dans un effort pitoyable pour le cacher.

« Viens par là qu’on te regarde de plus près ! »

Derrière les silhouettes groupées de ses agresseurs, sous ses longs cils courbés, elle pouvait deviner la piscine et le chlore, entendre les gesticulations des baigneurs, des rires des cris des bruits d’eau qui gicle et éclabousse, un bonheur saugrenu qui paraissait à présent bien irréel. Elle vacillait, recroquevillant son corps trop maigre. A présent une poigne forte la clouait sur place tandis que l’on remontait son t-shirt jusqu’à l’épaule. Aux éclats de rire qui fusaient se mêlèrent les cris de dégoût, alors qu’ils la forçaient à déplier le bras atrophié, douleurs dans l’épaule et l’articulation, douleur sur cette peau et ses tendons meurtris, « on dirait une vieille branche pourrie » dit l’un, « quel horreur ! » cria l’autre. Elle se mit à trembler, mots coulant sur elle, elle perméable mais absente, yeux désespérément secs, recroquevillée quelque part en elle, « handicapée, sale handicapée », riait-on, elle tentait de se dégager.

Texte : Louise Imagine

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