Très grand bonheur de recevoir sur Il pleuvra demain Piero Cohen-Hadria. Notre dernier vase communicant remonte à décembre 2011. Il était donc grand temps que nous récidivions ! Après un premier envoi de photos par mail, l’échange s’est rapidement mis en place malgré un wifi passablement capricieux de mon côté. Merci à toi, Piero, pour ce beau texte que j’ai grand plaisir à présenter ici, merci pour tes talentueuses propositions de titre (je te dois une fière chandelle!) et pour ton chaleureux accueil sur Pendant le week-end.
Merci également à Brigitte Célérier, qui regroupe vaillamment, avec patience et gentillesse, les échanges de ce mois-ci sur son site dédié.
————————————————————————————-
« Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. » Vases Communicants
———————————————————————————
Magdalena
Il reviendrait certainement dans l’après midi. En l’attendant, elle avait été prendre le soleil, l’eau était fraîche. Elle avait décidé de rentrer prendre son déjeuner dans sa chambre. Elle l’attendrait en lisant quelque chose, le journal, en regardant peut-être la télévision, peut-être dormirait-t-elle un moment. Une cigarette ou deux. Un verre de bourbon. Elle le ferait monter dans sa chambre. Elle occupe la suite 147. Ils sont arrivés la veille vers neuf heures, se sont présentés comme madame et monsieur de R. Elle a fait monter sa malle. Il n’y avait que le concierge, il n’y avait que le groom. Ce matin, il était parti, dès l’aurore. Une limousine l’attendait sur la calle 10, dite Verde. Il allait falloir attendre.
Il aurait dû s’en débarrasser tout de suite. C’est l’hiver à Santa Maria, mais il n’y a pas d’hiver sous les tropiques. Il n’y a personne ou presque dans l’hôtel Miramar. Le soleil brille sur Magdalena et sur la côte. Jamais il n’aurait dû accepter ce contrat. C’est l’hiver, il n’y a personne à l’hôtel Miramar.
Elle entre dans le hall et aperçoit ce type les mains dans les poches, appuyé à la balustrade. Il est de dos, sans doute pose-t-il pour une photo. Il lui avait semblé qu’il n’y avait personne dans l’hôtel pourtant. Derrière lui, la piscine, les palmiers, la mer des Caraïbes. Il fait toujours beau, à Maracaïbo, de l’autre côté de la montagne, de l’autre côté de la frontière.
Il fait doux, il fait chaud. Aussi bien aurait-il dû s’en débarrasser tout de suite. Un contrat est toujours un contrat. C’est l’hiver, il attend de savoir si elle va remonter dans sa chambre. Il n’y a personne dans le bar, pas même un serveur. Il est onze heures du matin. Après son bain, seulement de soleil, la voilà qui retourne dans sa chambre. Elle doit attendre son amant qui ne reviendra pas avant ce soir. Qui ne reviendra d’ailleurs pas. Jamais. Jamais il n’aurait dû accepter ce contrat. Une femme seule… Non. Jamais. On l’a appelé par son prénom, il s’est retourné, on lui a dit « tu ne bouges pas… » du ton sec qu’il connaît parfaitement, il a les mains dans les poches. Il n’a pas bougé. Elle était passée sous la mezzanine du bar, elle s’en était allée.
C’est l’hiver, à Miramar, sur la plage de Taganga chauffe le soleil. La mer des Caraïbes brille, la lumière vive brûle les regards. Dans l’ombre du bar, sur la mezzanine, entre ces quatre fauteuils, une silhouette tombe à genoux. Pas même un bruit, pas même un cri. Sur chacun de ses côtés, les deux fauteuils de velours rouge, comme au cinéma, où personne ne s’assoit. C’est une saison où les clients sont rares. L’hôtel Miramar et ses suites de luxe, sa piscine à ciel ouvert, ses palmiers et ses coccolobas, l’air embaume des parfums des cratevas blanches. C’est l’hiver, il fait doux, il fait chaud.
Texte : Piero Cohen-Hadria
Photo : Louise Imagine
Superbe ensemble, qui réchauffe l’hiver, et glace un peu l’été.
Merci François ! Chaud-froid, un délicieux mélange 😉
Comme une sorte de film à la John Huston (ou à ce que l’on imagine).
Meurtre au bord de l’eau
…
@ Francois sans cédille : ne pas se fier aux photographies… (merci du passage)
@ Dominique Hasselmann : l’imagination cinématographique… merci de ton commentaire
@ louise : … :°))
Parfaitement bien exécuté