Fermer les yeux…


Fermer les yeux…
Quelques instants à peine,
Et ne plus voir que rêves et poésie…

Rêves et poésie…

Parce que tu crois peut-être que je ne la vois pas assez la douleur ?
Malades blêmes, cancers, tumeurs, peaux craquelées, veines malmenées, chairs ouvertes, refermées, tuméfiées…
Parce que tu crois peut-être que je ne les « regarde » pas ces gens qui défilent devant moi ?
Enfants à peine nés que déjà auscultés, plongées profondes en services hospitaliers, pronostic vital engagé.
Fin de vie, moitié mourants, visages stigmatisés bouches ouvertes, râles et crépitements, corps figés, recroquevillés, membres trop durs que l’on ne peut plus déplier…
Et dans ces mains que je pose sur eux, dans ces peaux que je touche et ces mots que j’écoute, tu crois que je ne comprends que je n’entends pas, au-delà même de ce qui se prononce, les peines les rages les colères et les rancœurs les regrets que rien n’effacera, l’amour que l’on n’a pas suffisamment donné…
Parce que tu crois que je ne la perçois pas là, violente, vibrante, cette solitude que quelques minutes passées en leur compagnie n’arrivent même pas à entamer.

Ainsi c’est ainsi, et malgré tout il faut continuer, aider, soigner, comprendre, épauler, rire, plaisanter, encourager, secouer, sermonner, menacer, expliquer, dire la vérité…
Ainsi c’est ainsi, et malgré tout par-dessus tout, il faut savoir écouter.

Alors oui, laisse-les moi ces rêves…  J’en tirerai le fils avec avidité. Chaque fois que mes yeux seront fermés…
J’en tirerai le fils jusqu’à ce qu’il s’effrite…

Une réflexion sur “Fermer les yeux…

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